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Débats sur l'interdiction de la corrida : l'indulto législatif face aux tentatives d'estocade

Auteur : Pierre Pelissier, avocat

       En France, la corrida est à ce jour interdite sur le fondement des dispositions de l’article 521-1 du Code pénal qui, néanmoins, aménage une exception dans certains territoires (1).

C’est cette exception et donc la question de l’interdiction de la corrida sur l’ensemble du territoire ou a minima de son interdiction aux mineurs, qui revient dans le débat politique et dans l’hémicycle depuis plusieurs décennies (2).

1)« L’exception corrida » : une brèche dans le Code pénal

Les dispositions de l’article 521-1 du Code pénal répriment le délit de sévices graves et d’actes de cruauté envers les animaux domestiques, apprivoisés, tenus en captivité,  sous peine de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.

Les taureaux de combat sont donc visés par ces dispositions.

Cette peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende lorsque les faits entrainent la mort de l’animal. De plus, commettre le délit devant des mineurs constitue une circonstance aggravante.

Cette peine s’applique donc aux spectacles de corrida avec mise à mort du taureau  (dit « l’estocade », à l’issue du troisième tercio) et la présence de mineurs à un tel spectacle aggrave le délit.

En dépit de cette interdiction de principe dans tout l’hexagone, le Code pénal prévoit, toujours dans son article 521-1, une exception à l’infraction pénale pour les courses de taureaux qui font l’objet d’une tradition locale ininterrompue.

Dès lors, la corrida est un délit, sauf là où la loi l’autorise, c’est-à-dire dans les territoires dans lesquels peut être caractérisée une « tradition locale ininterrompue » et dans lesquels les organisateurs de corridas bénéficient d’une immunité pénale.

À ce titre, la jurisprudence, essentiellement judiciaire devant le juge pénal, considère de manière large, pour autoriser la corrida :

  • tout d’abord, que la tradition, taurine, se caractérise par « l’intérêt que lui porte un nombre suffisant de personnes »[1].
  • ensuite, que le caractère local s’apprécie eu égard à un « ensemble démographique» déterminé, qui correspond en majorité à une échelle départementale, voire régionale.  Ainsi, il « ne saurait être contesté que dans le midi de la France entre le pays d’Arles et le pays basque, entre garrigue et Méditerranée, entre Pyrénées et Garonne, en Provence, Languedoc, Catalogne, Gascogne, Landes et Pays Basque existe une forte tradition taurine qui se manifeste par l’organisation de spectacles complets de corridas de manière régulière dans les grandes places bénéficiant de structures adaptées permanentes et de manière plus épisodique dans les petites places à l’occasion notamment de fêtes locales ou votives »[2].
  • enfin, en ce qui concerne le caractère ininterrompu, que l’interruption de la tradition ne peut résulter ni de faits isolés plus ou moins intermittents, ni d’un fait matériel ou accidentel.

À l’inverse, la question de la corrida a pu quitter le champ du droit pénal pour entrer dans celui du contentieux administratif, via une affaire portée devant le Tribunal administratif dans le cadre de laquelle était contesté la légalité d’une délibération municipale de la Ville de Pérols, dans l’Hérault, autorisant la tenue d’une novillada (une forme de corrida, avec mise à mort, mais avec de jeunes taureaux).

Ainsi, le juge administratif a pu considérer, alors même que les 1.700 billets avaient déjà été vendus des mois avant la tenue du “spectacle“, qu’«il est constant qu’aucun spectacle taurin ne s’est tenu sur le territoire de la commune de Pérols depuis 2003, soit 20 ans. Il résulte par ailleurs de l’instruction que la commune de Pérols doit être regardée, compte tenu notamment de son inclusion dans la métropole Montpellier Méditerranée Métropole, de son schéma de cohérence territoriale qui la classe dans le bassin de vie de Montpellier et de l’attractivité de l’aire montpelliéraine, comme se rattachant à l’ensemble démographique de Montpellier. Dès lors, compte tenu de l’absence de toute tradition locale ininterrompue, le conseil municipal de Pérols ne pouvait légalement, sans méconnaître les dispositions précitées de l’article 521-1 du code pénal, autoriser, par sa délibération n° 2023-04-11-5, la tenue le 15 juillet 2023 d’un spectacle taurin dans les arènes municipales »[3].

Dès lors, le juge administratif a analysé concrètement la notion de tradition locale ininterrompue : exit «l’ensemble démographique » entendu comme l’échelle régionale, c’est ici un ensemble démographique plus précis, à savoir l’aire métropolitaine caractérisée par l’adhésion à l’établissement public de coopération intercommunale Montpellier Méditerranée Métropole (Montpellier 3M) appuyée par les documents d’urbanisme locaux, en l’espèce le schéma de cohérence territoriale (SCoT), et ce alors même que Pérols est située à 20 kilomètres de Lunel où se déroulent des corridas.

Cette décision pourrait ouvrir la voie à d’autres rejets similaires, et faire vaciller certains bastions taurins.

Néanmoins, dans l’attente d’autres jugements, arrêts ou décisions analysant l’ «exception corrida» comme elle devrait l’être, c’est-à-dire avec un spectre restrictif, la question de la fin de celle-ci  reste portée au niveau législatif.

2)Vaines tentatives de l’interdiction de la corrida aux majeurs et aux mineurs

Dans l’arène politique française, le débat reste, en arrière-plan mais sans succès, d’actualité.

Pourtant, et pour comparaison, la Colombie a très récemment adopté une interdiction totale de la corrida, qui entrera en vigueur en 2027[4].

À noter que le rapprochement avec la France peut être effectué de manière pertinente, dès lors que, comme en droit français, les spectacles taurins de corridas étaient jusqu’alors autorisés par dérogation au régime général de protection des animaux prévue en droit pénal interne[5], exception limitée territorialement (non par la loi, mais par la Cour constitutionnelle[6]).

Cependant, en France, les tentatives d’interdiction, le plus souvent transpartisanes, restent sans succès à double titre.

D’une part, en ce qui concerne la suppression, dans le Code pénal, de l’exception corrida, pour interdire la corrida à tous et sur l’ensemble du territoire national, certaines propositions de lois ont été, depuis les années 2000, portées par les députés ou sénateurs :

  • Proposition de loi n° 1652 du 8 juin 2004 visant à interdire tous les sévices graves envers les animaux domestiques ou apprivoisés, ou tenus en captivité, susceptibles d’être exercés lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée;
  • Propositions de lois n°2735 et n°3695 en 2010 et 2011 visant à punir les sévices graves envers les animaux domestiques, apprivoisés, ou tenus en captivité, sans exception.

Dernièrement, la proposition de loi n°635 « visant à abolir la corrida : un petit pas pour l’animal, un grand pas pour l’humanité », du député Aymeric CARON, n’a pu être débattue lors de la niche parlementaire du groupe parlementaire.

D’autre part, en ce qui concerne l’interdiction aux arènes pour certains mineurs, de nombreuses propositions de loi, souvent fondées sur l’intérêt supérieur de l’enfant[7] et les recommandations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, ont également été déposées, voire débattues, sans succès :

  • Proposition de loi n° 2735 du 13 juillet 2010, n°804 du 21 mars 2018 visant à interdire l’accès aux courses de taureaux aux mineurs de moins de quatorze ans;
  • Proposition de loi n°906 visant à protéger les mineurs de l’exposition à la violence exercée sur les animaux y compris en contexte de tradition;
  • Proposition de loi n°240 du 13 janvier 2023 sur les risques encourus par les mineurs quand un de leurs parents est auteur de maltraitance animale;
  • Très récemment, la proposition de loi n°475 visant à interdire la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de seize ans.

La corrida fait donc l’objet, jusqu’ici, et au contraire des centaines de taureaux de combats toréés et tués chaque année, d’une réelle grâce politique et législative (un indulto).

 

[1] Cass, 1ère civ, 7 février 2006, n°03-12.804.

[2] CA de Toulouse, 3 avril 2000, n°1999/03392.

[3] TA de Montpellier, 16 mai 2023, ord. n°2301271 et 2302216, Association comité radicalement anti-corrida et autres.

[4] Ley 2385 de 2024.

[5] Article 7 de la ley 84 de 1989.

[6] Corte constitucional, 30 août 2010, sentencia C-666 ; Corte constitucional, 1er février 2017, sentencia C-041.

[7] Principe qui a tant valeur conventionnelle (article 3-1, la Convention internationale pour les droits de l’enfant) que constitutionnelle (Cons. con., 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC, M. Adama S. [Examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge]).



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